Dans sa chronique du Journal du Net, Marc Palazon partage son analyse sur l'urgence de la souveraineté numérique en Europe et l'importance de l'open source.
Face aux défis géopolitiques, la souveraineté numérique est essentielle. L'open source en est la clé, garantissant indépendance et innovation. Entreprises et administrations, il est temps d'agir.
Les bouleversements géopolitiques actuels, notamment le changement radical enclenché par les États-Unis, imposent à l'Europe une réflexion profonde sur sa souveraineté. Celle-ci ne se limite pas à la défense militaire, à l'autonomie alimentaire ou à l'indépendance énergétique, elle concerne également un enjeu tout aussi crucial : la souveraineté numérique.
L'Europe a déjà pris des initiatives importantes, comme le RGPD qui a posé un cadre réglementaire de référence en matière de protection des données personnelles. Plus récemment, l'AI Act s'inscrit dans cette volonté de définir un cadre européen réglementant l'intelligence artificielle pour garantir transparence, éthique et compétitivité face aux grandes puissances technologiques mondiales.
Un danger pour l'avenir des entreprises européennes
Cependant, ces efforts restent insuffisants face à une dépendance persistante aux solutions technologiques non européennes, souvent choisies par souci d'immédiateté des résultats. Bien souvent, pour répondre aux contingences d'instantanéité et de facilité, la souveraineté a été reléguée au second plan, faute d'un impact visible à court terme.
Aujourd'hui, il ne s'agit plus d'une simple question de concept, mais d'une réalité tangible. Nous faisons face à un mur, qu'il s'agisse de la défense militaire ou de la préservation de nos capacités numériques. Ne pas agir, c'est mettre en danger l'avenir de nos entreprises européennes et notre indépendance économique. Ne pas agir, c'est hypothéquer l'avenir des prochaines générations Européennes.
L'open source est la pierre angulaire de cette souveraineté
L'open source permet à chacun d'accéder aux codes sources, de les auditer et de les adapter aux besoins locaux, garantissant ainsi une maîtrise technologique et une interopérabilité essentielle à notre indépendance. Face à des solutions fermées et standardisées, l'open source (dont le marché en Europe est estimé entre 25 et 30 milliards d’euros en 2022) offre une alternative durable et flexible qui favorise l'innovation et la coopération entre les acteurs européens. Il renforce aussi la sécurité en rendant les logiciels transparents et auditables par tous, minimisant ainsi les risques de vulnérabilités cachées ou de dépendance excessive envers des fournisseurs extérieurs.
Certaines administrations ont déjà compris ces enjeux et amorcé un virage vers des solutions ouvertes et européennes. Il est temps que les entreprises privées suivent ce mouvement en intensifiant leurs investissements dans ces technologies, même si cela implique à court terme potentiellement des coûts initiaux de mise en place et quelques désagréments liés au changement. L'enjeu dépasse la simple question économique : c'est une question de survie.
Cela fait plus de 20 ans que je suis investi dans l'open source, que je crois aux valeurs profondes qu'il porte et aux avantages compétitifs qu'il procure à nos clients. C'est un vecteur d'indépendance et d'innovation. Et je continuerai à porter cette conviction, j’en suis sûr avec vous, encore plus nombreux, à la vue du bouleversement géostratégique historique auquel nous faisons face.
Il est temps de nous mobiliser et d'agir collectivement. Entreprises privées, administrations et acteurs du numérique, nous devons unir nos forces pour bâtir une souveraineté numérique européenne solide et pérenne. Ensemble. Vite.
