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L’accessibilité numérique au cœur de l’UX-Conf Suisse !

  • Date de l’événement 21 Feb. 2025
  • Temps de lecture min.

L’UX-Conf Suisse organisée le 16 janvier 2025 à Genève a réuni plus de 80 professionnels du monde digital, hommes et femmes passionnés venus saisir les enjeux de l’accessibilité numérique et discuter avec plusieurs spécialistes qui se sont exprimés lors d’une table ronde et de deux conférences.

« Il est important aujourd’hui de concevoir des expériences numériques qui soient accessibles ! ». En lançant l’UX-Conf Suisse 2025, Simon Vogel, CEO de Smile Suisse, est entré immédiatement dans le vif du sujet. Le thème de l’accessibilité numérique dont il est question correspond bien sûr au fait d’inclure tous les publics dans les réflexions techniques qui président à la création d’outils digitaux. Plus spécifiquement, l’UX-Conf Suisse 2025 a choisi de porter son attention sur la population qui vit avec un handicap. Une personne sur cinq est dans ce cas en Suisse, selon les chiffres de l’Office fédéral de la statistique. Dans cette perspective, « l’accessibilité est un enjeu majeur pour l’ensemble de nos clients », explique  Yann Cadoret, directeur général d’UX-Republic. Nathalie Lambert, directrice d’UX-Republic Suisse, confirme que « l’accessibilité numérique représente bien plus qu’une obligation réglementaire. Il s’agit d’une démarche humaine, d’un engagement vers plus d’inclusion et d’une occasion de créer des expériences digitales réellement universelles ».

 

Vivre de façon plus autonome avec les outils digitaux

Permettre à des millions de personnes de pouvoir communiquer, travailler, apprendre et vivre de façon plus autonome avec les outils digitaux : telle est l’ambition portée par l’accessibilité numérique. « Pour les entreprises et les organisations, c’est aussi un levier d’innovation et un moyen de renforcer leur responsabilité sociale », note Nathalie Lambert. Pour Sylvie Podio, première invitée de l’UX-Conf Suisse 2025 et directrice pour le canton de Vaud de Pro Infirmis, association qui conseille, accompagne et soutient les personnes en situation de handicap, parler d’accessibilité numérique pour tous et toutes nécessite avant tout une compréhension fine des multiples réalités du handicap. Mais comment définir précisément une situation de handicap ? Celle-ci résulte de l’interaction entre des facteurs personnels – comme des particularités physiques, sensorielles ou cognitives – et des facteurs environnementaux, qui peuvent constituer des barrières sociales ou matérielles. Les personnes en situation de handicap, d’après une récente enquête de Pro Infirmis, se sentent limitées dans de nombreux domaines quant à leurs possibilités d’agir librement, mais notamment dans l’univers professionnel. « Dans ce contexte, l’informatique peut être soit un facteur facilitateur, soit un obstacle », souligne Sylvie Podio.

Mise en place d’ateliers participatifs

Pro Infirmis s’intéresse particulièrement à cette question de l’accessibilité numérique par l’intermédiaire de son site internet www.info-handicap.ch qui a pour but de renforcer la capacité d’autodétermination et de favoriser l’autonomie des personnes concernées par le handicap, y compris celles avec une déficience cognitive. Le site imaginé par Pro Infirmis mise sur une navigation simplifiée ou l’adoption (dans la mesure du possible) du langage « facile à lire et à comprendre » (FALC), mais exclut le recours à un chatbot, un agent conversationnel qui peut apparaître comme trop intrusif pour certains publics. Dans ses explications, Sylvie Podio insiste sur un point qui va être également mentionné par d’autres intervenants et intervenantes de l’UX-Conf : la nécessité, quand on souhaite créer un outil numérique véritablement accessible à tous et toutes, d’adopter une méthode de travail impliquant l’ensemble des personnes concernées, c’est-à-dire tous les utilisateurs et toutes les utilisatrices potentiels ainsi que les experts UX. La mise en place d’ateliers participatifs constitue une solution possible pour favoriser cette dynamique. Les personnes en situation de handicap, dans ces ateliers, peuvent par exemple préciser pourquoi elles apprécient telle ou telle caractéristique d’une plateforme numérique, pourquoi telle autre chose demeure problématique, etc.

Des réglementations, normes et obligations légales

Olivier Nourry, consultant en accessibilité numérique, poursuit d’ailleurs le discours de Sylvie Podio, au cours de la deuxième grande intervention de l’UX-Conf Suisse 2025, en listant un certain nombre de bonnes pratiques à suivre par les professionnels du numérique. Pour lui, un système numérique accessible doit être perceptible, utilisable et compréhensible. Il doit être pensé dès le départ pour les personnes en situation de handicap, y compris celles utilisant des technologies d’assistance. « Concevoir un outil numérique en intégrant dès les premières réflexions les besoins des personnes en situation de handicap ne relève pas seulement du respect d’un droit humain reconnu par la Convention relative aux droits des personnes handicapées de l’ONU, mais constitue également un atout majeur : en étant inclusif dès l’origine, un dispositif numérique touche un public plus vaste et répond aux attentes d’une diversité d’utilisateurs et d’utilisatrices. »

Olivier Nourry mentionne également quelques réglementations, normes et obligations légales qui existent en la matière, par exemple les Règles ISO pour l’accessibilité des contenus Web (WCAG), l’Americans with Disabilities Act (ADA) aux Etats-Unis (à l’origine de plus de 4000 procès en 2024), la norme européenne EN 301 549 qui spécifie les exigences pour que les technologies de l’information et de la communication soient accessibles aux personnes handicapées, la directive européenne sur l’accessibilité numérique de 2016, l’European Accessibility Act (EAA) qui entre en vigueur dans le courant de 2025 – les entreprises vont devoir être prêtes (tout nouveau service ou produit numérique diffusé dans l’Union européenne devra être conforme à la norme EN 301 549) – ou, en Suisse, la loi fédérale sur l’élimination des inégalités frappant les personnes handicapées.

 

La complexité des interfaces digitales modernes

Au-delà de ces réglementations, normes et obligations légales, les participants de la table ronde qui a suivi l’intervention d’Olivier Nourry lors de l’UX-Conf Suisse 2025 souhaitent montrer pourquoi l’accessibilité numérique constitue une démarche incontournable, utile et bénéfique pour les sociétés publiques ou privées aujourd’hui. Partant, Léa Gambini-Loffroy, digital experience manager chez TAG Heuer, insiste sur l’importance d’une gouvernance claire sur ce sujet de la part des directions d’entreprise et d’une formation continue dans ce domaine pour les collaborateurs et les collaboratrices spécialistes du digital : designers, développeurs, testeurs, contributeurs de contenu, etc. Pour Tristan Kohler, digital commerce manager pour Nestlé Nespresso, « l’accessibilité est essentielle pour garantir une expérience optimale pour tous les consommateurs ». Il met en avant la complexité des interfaces digitales modernes et la nécessité de simplifier l’expérience utilisateur pour améliorer l’accessibilité. Aziz Orfia, en tant que co-fondateur d’Eyecap’, jeune société suisse qui travaille sur un prototype de bonnet de natation connecté qui permet aux personnes malvoyantes et aveugles de nager en toute sécurité et autonomie, porte l’attention sur l’importance d’intégrer l’accessibilité dès la conception de n’importe quel projet. Finalement, Julien Conti, expert en accessibilité pour l’État de Genève, déplore la lenteur des initiatives de sensibilisation et des progrès concrets sur ces questions au sein des administrations et des organisations. En tant que personne aveugle, il expérimente au quotidien les obstacles liés aux outils numériques mal conçus, rendant leur utilisation particulièrement ardue pour lui et pour d’autres personnes en situation de handicap. Lors de l’UX-Conf Suisse 2025, il a illustré ces défis à travers une démonstration marquante, en explorant un site internet à l’aide d’un logiciel lecteur d’écran à très haut débit vocal et d’un clavier en braille. Cette mise en situation a permis au public de prendre la mesure de difficultés trop peu connues de nombreux professionnels du numérique et du chemin qu’il reste à parcourir pour faire de l’accessibilité une plus grande priorité.

Les différentes réalités du handicap à prendre en compte

Les concepteurs d’outils numériques, pour favoriser l’accessibilité de tous les publics, doivent tenir compte des multiples types d’incapacités que peuvent rencontrer les utilisateurs et les utilisatrices. Les déficiences des personnes en situation de handicap peuvent concerner, par exemple, la vue (cécité, basse vision, daltonisme, champ visuel réduit, etc.), l’audition (surdité totale ou partielle, trouble du traitement auditif, etc.), les capacités motrices (paralysie, amputation, troubles musculo-squelettiques, tremblements, etc.), les capacités cognitives et intellectuelles (dyslexie, trouble du langage, de la concentration ou de la mémoire, etc.) ou les capacités psychiques (dépression, anxiété sociale, schizophrénie, bipolarité, phobies, etc.).

Quelles technologies d’assistance ?

Les technologies informatiques et numériques d’assistance à destination des personnes en situation de handicap revêtent différentes formes et vont des lecteurs d’écrans, aux possibilités de sous-titrages et de transcriptions écrites de l’expression orale, en passant par les claviers adaptés, les assistants vocaux, les filtres applicables à certains contenus ou les correcteurs orthographiques. 

Grégory Tesnier, Ph.D.

Grégory Tesnier, Ph.D.

Journaliste RP